☭ Lénine : Œuvres complètes informatisées

| Éditions Communistus

Volume 04 pages 320-321

A PROPOS DES GREVES112
Depuis quelques années, les grèves ouvrières sont deve
nues extrêmement fréquentes en Russie. Pas de province
industrielle, désormais, où il ne s’en soit produit plu
sieurs. Dans les grandes villes elles éclatent sans discon
tinuer. On conçoit donc que les ouvriers conscients et les
socialistes se demandent de plus en plus souvent quelle
est la signilication des grèves, comment les conduire et
dans quel sens les socialistes doivent y participer.

Nous voulons essayer d’exposer quelques-unes de nos
idées sur ces questions. Dans un premier article, nous nous
proposons d’étudier la signification des grèves dans le
mouvement ouvrier en général ; dans le second, nous par
lerons des lois russes contre les grèves, et, dans le troisiè
me, nous dirons comment les grèves ont été et sont condui
tes en Russie, et quelle doit être l’attitude des ouvriers
conscients à leur égard.

I
La première question est de savoir comment s’expli
quent l’apparition des grèves et leur propagation. Qui
conque évoquera tous les cas de grèves qu’il peut connaî
tre par son expérience personnelle, par les récits d’au
tres personnes ou par les journaux, constatera d’emblée
que les grèves apparaissent et se propagent là où apparais
sent et se multiplient les grandes lubriques. Parmi les très
grandes labriques qui emploient des centaines (et parfois
des milliers) d’ouvriers, on n’en trouvera guère une seule
où il ne se soit produit des grèves ouvrières. Quand les
»

grandes fabriques et usines étaient peu nombreuses en Rus
sie, les grèves l’étaient aussi ; depuis que les grandes fabri
ques se multiplient rapidement, tant dans les vieilles lo
calités industrielles que dans des villes et bourgades nou
velles, les grèves se iont de plus en plus iréquentes.

D’où vient que la grande production industrielle con
duise toujours à des grèves ? Cela vient de ce que le capi
talisme conduit nécessairement à la lutte des ouvriers
contre les patrons ; et, quand la production se développe,
cette lutte ailecte nécessairement la forme de grèves.

Expliquons-nous.

On appelle capitalisme une organisation de la société
où la terre, les fabriques, l’outillage, etc., appartiennent
à un petit nombre de grands propriétaires fonciers et de
capitalistes, tandis que la masse du peuple ne possède rien
ou presque rien en propre et doit, par conséquent, chercher
de l’embauche. Les grands propriétaires fonciers et les
fabricants embauchent les ouvriers et leur font fabriquer
tels ou tels produits qu’ils vendent sur le marché. Ce fai
sant, les fabricants se contentent de payer aux ouvriers
un salaire qui leur permet à peine de subsister avec leurs
familles; tout ce que l’ouvrier produit au-delà de cette
quantité de produits, le fabricant l’empoche, cela consti
tue son prolit. Ainsi, en régime d’économie capitaliste,
la masse du peuple ellectue un travail salarié pour autrui ;
elle ne travaille pas pour elle-même, mais pour des patrons,
contre un salaire. On conçoit que les patrons s’efforcent
toujours de diminuer le salaire : moins ils donneront aux
ouvriers, et plus il leur restera do prolit. Quant aux ou
vriers, ils s’cllorcent d’obtenir le salaire le plus élevé pos
sible, pour procurer à l’ensemble de leur famille une nour
riture saine et abondante, pour vivre dans un bon logement,
pour ne pas être vêtus de loques, mais s’habiller comme
tout le monde. Par conséquent, entre patrons et ouvriers,
c’est une lutte incessante à propos des salaires ; le patron
est libre d’embaucher qui bon lui semble, et il cherche
l’ouvrier le moins cher. L’ouvrier est libre de s’embaucher
chez le patron de son choix, et il cherche le plus cher, celui
qui paye davantage. Que l’ouvrier travaille à la campagne
ou à la ville, qu’il s’embauche chez un grand propriétaire
foncier, un paysan riche, un entrepreneur ou un fabricant,
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