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conseils de prud’hommes feraient très rapidement passer
les ouvriers à des revendications plus radicales. En éli
sant leurs représentants aux conseils de prud’hommes, les
ouvriers constateraient très vite que cela ne suliit pas,
car les grands propriétaires fonciers et les fabricants qui
exploitent les ouvriers envoient leurs représentants dans
de très nombreuses institutions d’Etat beaucoup plus
haut placées ; les ouvriers ne manqueraient pas d’exiger
une représentation nationale. Ayant obtenu la publicité
des affaires de fabrique et des besoins des ouvriers dans les
conseils de prud’hommes, les ouvriers constateraient très
vite que cela ne suffit pas, car, de nos jours, seuls les
journaux et les réunions publiques peuvent assurer une
publicité réelle ; et les ouvriers réclameraient la liber
té de réunion, la liberté de la parole et de la presse. Et
voilà pourquoi le gouvernement a enterré le projet tendant
à instituer des conseils de prud'hommes en Russie !
D’autre part, admettons un instant que le gouvernement,
voulant duper les ouvriers, institue dès maintenant, à
dessein, des conseils de prud’hommes, tout en conservant
intact le régime politique existant. Cette mesure profite
rait-elle aux ouvriers ? Pas le moins du monde : les ouvriers
eux-mêmes n’accepteraient pas d’élire à ces conseils leurs
camarades les plus conscients, les plus honnêtes et les plus
dévoués à la cause ouvrière, car ils savent que, pour toute
parole franche et honnête, on peut en Russie appréhender
un homme sur un simple ordre de la police, et, sans juge
ment ni enquête, le jeter en prison ou le déporter en Sibérie !
Donc, la revendication de conseils de prud’hommes com
prenant des représentants élus par les ouvriers n’est qu’une
parcelle d’une revendication beaucoup plus large et plus
radicale : la revendication de droits politiques pour le peu
ple, c’est-à-dire le droit de participer à la direction des
affaires publiques et de faire connaître ouvertement les
besoins populaires non seulement dans des journaux, mais
aussi dans des réunions publiques.
Rédigé fin 1899
Publié pour la première fois en 1924
dans le rf 8-9 de la reçue « Prolélarshaïa
Réuolulsia •
Conforme au manuscrit, recopié par
une main inconnue