Volume 04 pages 228-229
tement que nous retardons à cet égard sur les anciens partis
révolutionnaires russes et que nous devons déployer tous
nos elforts pour les rattraper et les dépasser. D’une façon
générale, aucun progrès de notre mouvement ouvrier n’est
possible sans une meilleure organisation, et cette condi
tion est aussi valable, notamment, en ce qui concerne la
création d’un parti actif doté d’un organe fonctionnant ré
gulièrement. Cela, d’une part. D’autre part, les organes
actuels du Parti (j’entends par là les journaux aussi bien
que les institutions et les groupes) doivent porter plus d’at
tention aux problèmes d’organisation et agir dans ce sens
auprès des groupes locaux.
Le travail local, sur le mode artisanal, entraîne tou
jours une surabondance de liaisons personnelles et développe
l’esprit de groupe ; or, nous avons déjà dépassé cette phase
qui devient trop étroite pour le travail actuel et aboutit
au gaspillage des énergies. Seule la fusion au sein d’un seul
parti permettra d’appliquer méthodiquement les principes
de la division du travail et de l’économie des forces, ce qui
est nécessaire pour réduire les pertes, et de dresser un rem
part plus ou moins solide contre le joug du gouvernement
autocratique et sa politique de répression à outrance. Con
tre nous, contre les petits groupes do socialistes réfugiés
dans la « clandestinité » à travers la vaste Russie, se dresse
le mécanisme gigantesque de l’Etat moderne tout-puissant
qui déploie toutes ses forces pour étouffer le socialisme et
la démocratie. Nous sommes persuadés que nous finirons
par abattre cet Etat policier parce que la démocratie et le
socialisme ont pour eux toutes les couches saines et montan
tes du peuple tout entier ; mais, pour mener une lutte systé
matique contre le gouvernement, nous devons porter l’or
ganisation révolutionnaire, la discipline et la technique
de l’action clandestine au plus haut degré de perfection.
Il est indispensable que des membres ou des groupes du Parti
se spécialisent dans les divers domaines de son activité :
reproduction des textes, introduction en Russie des publi
cations éditées à l’étranger, transport à travers la Russie,
distribution dans les villes, organisation de logements
clandestins, collectage des fonds, transmission du courrier
et de tous les renseignements sur le mouvement, organisa
tion des liaisons, etc. Pareille spécialisation exige, nous
le savons, beaucoup plus d’endurance, d’aptitude à se con
centrer sur un travail modeste, anonyme, obscur, beaucoup
plus d’héroïsme authentique que le travail effectué habi
tuellement dans les cercles.
Mais les socialistes russes et la classe ouvrière russe ont
déjà montré qu’ils savaient être héroïques et, en général,
nous serions mal venus de nous plaindre de manquer d’hom
mes. On constate parmi les jeunes ouvriers un élan passion
né, irrésistible, vers les idées de la démocratie et du socia
lisme, et les intellectuels continuent à affluer pour aider
les ouvriers, bien que les prisons et les lieux de déportation
soient surpeuplés. Si l’on propage largement parmi toutes
ces recrues de la cause révolutionnaire cette idée qu’il faut
une organisation plus stricte, la mise sur pied d’un journal
du Parti, édité et diffusé régulièrement, cessera d’être
un rêve. Prenons une des conditions du succès de ce plan ;
faire parvenir régulièrement au journal des correspondances
et des matériaux de toute provenance. L’histoire ne montre
t-elle pas qu’à toutes les époques d’activité accrue de notre
mouvement révolutionnaire cet objectif s’est révélé parfai
tement réalisable, même en ce qui concerne les organes pa
raissant à l’étranger ? Si les social-démocrates militant dans
les différentes régions considèrent le journal du Parti comme
le leur propre et estiment que leur premier devoir est d’être
constamment en liaison avec lui, d’y discuter des questions
qui les préoccupent, d’y refléter tout leur mouvement, —
alors il sera tout à fait possible de tenir le journal parfaite
ment au courant du mouvement, sous réserve de respecter
les règles d’action clandestine qui n’ont d’ailleurs rien de
sorcier. Un autre aspect de la question : la livraison régu
lière des journaux dans toutes les régions de Russie, est chose
beaucoup plus malaisée, plus malaisée qu’elle ne l’était
avec les anciennes formes du mouvement révolutionnaire
de Russie, lorsqu’ils n’étaient pas destinés dans les mêmes
proportions aux masses populaires. Mais la destination de
la presse social-démocrate facilite leur diffusion. Les prin
cipaux endroits où le journal doit parvenir régulièrement
et à un grand nombre d’exemplaires sont les centres indus
triels, les villes et les bourgs où il y a des fabriques, les quar
tiers industriels des grandes villes, etc. Ces centres sont
presque entièrement peuplés d’ouvriers ; l’ouvrier y est en