Volume 04 pages 102-103
méritent pleinement la sympathie, se démène en vains ef
forts pour préciser ce qu’est le « capital », quel est le rôle
de l’« épargne », etc. Ce point faible s’explique entièrement
par le fait que J. St. Mill est pour lui, en matière d’éco
nomie politique, une plus grande autorité que Marx ;
Hobson cite bien ce dernier une fois ou deux, mais, appa
remment, il ne le connaît pas ou ne le comprend pas du
tout. On ne peut s’empêcher de regretter que Hobson ait
dépensé cette énorme quantité de travail improductif pour
démêler les contradictions de l’économie politique bour
geoise et professorale. Dans les meilleurs des cas, il s’appro
che des solutions depuis longtemps indiquées par Marx ;
dans les cas les moins favorables, il reprend des conceptions
erronées qui sont en contradiction flagrante avec son atti
tude envers le « capitalisme contemporain ». Le chapitre
le moins réussi est le septième : « Les machines et le ma
rasme industriel ». Hobson s’y efforce de tirer au clair des
questions théoriques concernant les crises, le capital social
et le revenu social dans la société capitaliste, l'accumula
tion capitaliste. Des idées justes sur la non-correspondance
de la production et de la consommation dans cetto société,
sur le caractère anarchique de l’économie capitaliste, sont
noyées dans un tas de jugements scolastiques sur l’« épar
gne » (Hobson confond accumulation et « épargne ») et
parmi des robinsonnades de tout genre (« supposons qu’un
homme travaillant avec des moyens primitifs invente un
nouvel outil ... économise sur sa nourriture », etc.), etc.
Hobson aime beaucoup les diagrammes et, le plus souvent,
il les utilise très adroitement pour illustrer son exposé.
Mais le tableau qu’il donne du « mécanisme de la produc
tion » à la page 207 (ch. VII) ne peut que faire sourire un
lecteur tant soit peu familiarisé avec le « mécanisme » réel
de la « production » capitaliste. Hobson confond la pro
duction et le régime social de la production, et montre
qu’il a une notion extrêmement vague de la nature du capi
tal et de ses parties constitutives, ainsi que des classes en
lesquelles se divise inévitablement la société capitaliste.
Dans le chapitre VIII, il apporte des renseignements inté
ressants sur la composition de la population d’après ses
occupations et sur les changements qu’elle subit avec le
temps, mais ses raisonnements sur « les machines et la
demande de travail » souffrent d’une grave lacune : il
ignore la théorie de la « surpopulation capitaliste » ou de
l’armée de réserve du travail. Parmi les chapitres plus
réussis figurent ceux où il examine les villes modernes et
la situation des femmes dans l’industrie contemporaine.
Après avoir cité des statistiques sur l’extension du travail
féminin et décrit les très mauvaises conditions dans lesquel
les il s’accomplit, Hobson note très justement que le seul
espoir d’améliorer ces conditions réside dans le remplace
ment du travail à domicile par le travail en fabrique, ce qui
aboutit à « des rapports sociaux plus étroits » et à l’« or
ganisation ». De même, à propos du rôle des villes, il se
rapproche dos vues générales de Marx en reconnaissant
que l’opposition entre la ville et la campagne est en contra
diction avec la structure de la société collectiviste. Ses con
clusions auraient beaucoup gagné en force persuasive s’il
n’avait pas, là encore, ignoré les enseignements de Marx.
On peut présumer qu’il aurait alors souligné plus nette
ment le rôle historiquement progressif des grandes villes
et la nécessité d’associer l’agriculture et l’industrie dans
une organisation collectiviste de l’économie. Le dernier
chapitre: «La civilisation et l’essor industriel », est sans
doute le meilleur ; l’auteur y démontre, par une suite d’ar
guments bien choisis, qu’il est indispensable de réformer
la structure actuelle de l’industrie en renforçant le « con
trôle social » et en s’orientant vers la « socialisation de
l’industrie ». Si l’on veut porter un jugement sur les vues
quelque peu optimistes de Hobson quant au moyen de
réaliser ces « réformes », il faut prendre en considération
les particularités de l’histoire et de la vie anglaises : le
développement considérable de la démocratie, l’absence
de militarisme, la puissance énorme des trade-unions orga
nisées, les investissements croissants de capitaux hors de
l’Angleterre, qui affaiblissent l’antagonisme entre les
entrepreneurs et les ouvriers, etc.
Dans son livre bien connu sur le mouvement social au
XIXe siècle, le professeur W. Sombart signale, notamment,
la « tendance à l’unité » (titre du chapitre VI), c’est-à-dire
à l’homogénéité manifestée par le mouvement social des
différents pays sous ses diverses formes et nuances, parallè
lement à la diffusion des idées marxistes. En ce qui con-