☭ Lénine : Œuvres complètes informatisées

établissements des autres industries dont la production a
une valeur d’au moins 2 000 r., nous obtenons pour la Rus
sie d’Europe un nombre de fabriques d’environ 11 500 en
1879, et 15 500 en 1890 *. Donc, nous constatons de nou
veau une augmentation du nombre des fabriques, et non la
diminution imaginée par M. Karychev. La théorie do ce
dernier sur la « réduction du nombre des établissements »
dans l’industrie usinière en Russie n’est rien de plus qu’une
fable reposant sur une connaissance plus qu’insuffisante
des matériaux qu’il a entrepris d’élaborer. M. Karychev
parlait du nombre des fabriques de la Russie dès 1889
(I ouriditcheski Vestnik, n° 9), en comparant des chiffres par
faitement inutilisables empruntés aux rapports adressés au
tsar par MM. les gouverneurs et reproduits dans le Recueil
de renseignements sur la Russie pour 1884-1885 (Saint-Pé
tersbourg 1887, tableau XXXIX) avec les chiffres bizarres
du Recueil statistique militaire (fascicule IV, Saint-Péters
bourg 1871), qui comptait parmi les « fabriques » des mil
liers de tout petits établissements appartenant à des gens
de métier et simples artisans, des milliers de plantations
de tabac (sic, voir pp. 345 et 414 du Recueil statistique mili
taire sur les « fabriques» de tabac de la province de Bessa
rabie), des milliers de moulins et d’huileries de campagne,
etc. Il n’est pas surprenant que, dans ces conditions, le
Recueil statistique militaire ait dénombré plus de 70 000
« fabriques » dans la Russie d’Europe en 1866. On s’étonne
qu’il se soit trouvé un homme assez dénué d’attention et
d’esprit critique à l’égard des chiffres imprimés pour pren
dre ce recueil comme base de ses calculs **.

* Il est impossible d’obtenir un chiffre correspondant d’après la
Liste, premièrement, parce qu’elle a rejeté de nombreux établissements
dont la production atteint 2 000 r. et davantage, mais qui emploient
moins de 15 ouvriers. Deuxièmement, parce que la Liste a calculé la
valeur de la production en défalquant l’accise (et cela contrairement
aux statistiques précédentes). Troisièmement, parce que la Liste tient
compte parfois non de la valeur de la production, mais de la somme
payee pour le traitement de la matière première.

** M. Tougan-Baranovski a déjà montré, à propos du nombre
des ouvriers des fabriques et des usines, que les données fournies par le
Recueil statistique militaire étaient absolument inutilisables (voir son
livre : La fabrique... etc., Saint-Pétersbourg 1898, pp. 336 et suivan
tes, et le Mir Bo]i2 1898, n° 4) et MM. N. — on 3 et Karychev répondent
par le silence à son défi. En vérité, il ne leur reste rien de mieux à faire.

Ici, il est indispensable de faire une petite digression.

De sa théorie sur la réduction du nombre des fabriques,
M. Karychev déduit l’existence d’une concentration in
dustrielle. Il va de soi que, tout en repoussant sa théorie, nous
ne rejetons nullement cette conclusion, qui est seulement
établie de façon incorrecte. Pour démontrer la réalité de ce
processus de concentration, il faut considérer à part les plus
gros établissements. Prenons, par exemple, ceux qui em
ploient 100 ouvriers et plus. En mettant en regard le nombre
de ces entreprises, de leurs ouvriers ainsi que la valeur de
leur production, et les données relatives à l’ensemble des
établissements, on obtient le tableau que voici :
Voir la note* Toutes les •fa- briques et usines» Etabiissc- j monts employant 100 ouvriers et plus Année 1879 Année 1890 Année 1894/95
Nombre Valeur de la pro- duc- tion, en mil- liers de roubles Nombre Valeur de la pro- duc- tion, en mil- liers de roubles Nombre Valeur de la pro- duc- tion, 1 en mil- liers de roubles
w o des fabriques £ 00 ! oo O O -J c en “ des ouvriers W M il î des fabriques o- CO £ m ’l des ouvriers o des fabriques des ouvriers
1 148134 629 926 21 124 1431 i 500871 858 588 14 578 1468 885555 655 670 i 345346 955 233
o/o par rap- port au to- 1 tal GG, 8o;o 54,8% — 71,10 0 1 57,20.0 - 740/0 70,8%
On voit par ce tableau que le nombre des gros établisse
mets augmente, ainsi que celui de leurs ouvriers et la
valeur de leur production, dont la part est toujours plus
grande dans le nombre total des ouvriers et dans la valeur
* Les sources soûl les mêmes. Pour 1879, comme nous l’avons déjà
indiqué, quelques données ont été complétées approximativement.

Les chiffres globaux de V Index et de la Liste ne peuvent être comparés,
mais nous confrontons ici seulement des pourcentages par rapport au
nombre total des ouvriers et à la valeur totale de la production ; or,
ces données sont beaucoup plus dignes de foi (comme on le verra ci
après) que le chiffre global des fabriques. Le dénombrement des gros
établissements est emprunté à un ouvrage sur le Capitalisme en Russie
que l’auteur de ces lignes prépare pour l’impression4.