Volume 04 pages 10-11
détail des conclusions de M. Karychev, plus spécialement
ses procédés d’interprétation. Il nous semble qu’un tel
examen sera utile non seulement pour préciser la méthode
d’après laquelle M. le professeur un tel élabore ses maté
riaux (il suffirait d’y consacrer quelques lignes d’un comp
te rendu), mais encore pour établir dans quelle mesure
les données de notre statistique des fabriques et des usines
sont dignes de confiance, à quelles conclusions elle permet
d’aboutir, quelles en sont les principales exigences et les
tâches de ceux qui l’étudient.
Le document utilisé par M. Karychev contient, comme
l’indique son titre même, la liste des fabriques et des usi
nes de l'Empire en 1894-95. La publication d’une liste
complète de toutes les fabriques et usines (c’est-à-dire des
établissements industriels relativement les plus importants,
compte tenu des conceptions différentes de l’importance des
établissements) n’est pas une nouveauté chez nous.
MM. Orlov et Boudagov ont établi dès 1881 un Index des
fabriques et usines dont la dernière édition (la 3e) a paru
en 1894. Bien plus tôt encore, dès 1869, V Annuaire
du ministère des Finances (fasc. I) comprenait une liste
des fabriques dans les notes jointes aux états statistiques
concernant l’industrie. Tous ces matériaux ont mis à profit
les états que les propriétaires do fabriques et d’usines sont
tenus par la loi de fournir annuellement au ministère. S’il
se distingue des éditions antérieures par des renseignements
un peu plus abondants, le document émanant du départe
ment du Commerce et des Manufactures n’en présente pas
moins d’énormes défauts, n’existant pas dans les textes
précédents, et qui compliquent au plus haut point son uti
lisation en tant que source statistique sur les fabriques et
les usines. L’introduction à la Liste souligne le caractère
insuffisant des statistiques antérieures et définit ainsi clai
rement le but de la publication, conçue non seulement com
me un ouvrage de référence, mais plus spécialement comme un
recueil de statistiques. Or, en tant que tel, la Liste frappe
l’attention par l’absence complète de chiffres globaux, quels
qu’ils soient. Il est permis d’espérer qu’une telle publication,
la première en son genre, qui ne comporte pas de chiffres récapi
tulatifs sera aussi la dernière. D’autre part, pour un ou
vrage de référence, l’énorme quantité de matériaux bruts pré-
sentés sous forme d’accumulation de chiffres est un fatras su
perflu. L’introduction à la Liste critique sévèrement les
états fournis jusque-là au ministère par les fabricants, en di
sant qu’ils « contenaient toujours des renseignements con
fus, les mêmes d’année en année, et ne permettant pas de
déterminer exactement ne fût-ce que la quantité des marchan
dises produites. Or, des données les plus complètes et dignes
de confiance, autant que possible, sur la production sont
absolument indispensables » (p. 1). Nous n’avons aucune
ment l’intention de défendre l’ancien système, entièrement
périmé, de notre statistique des fabriques et des usines,
système qui par sa structure et ses caractéristiques est ty
pique pour la période antérieure à l’abolition du servage.
Mais, aujourd’hui encore, les améliorations apportées à
cotte statistique sont malheureusement presque impercep
tibles. L’énorme Liste qui vient d’être publiée ne permet pas
encore do dire que le moindre perfectionnement sérieux
ait été apporté à ce vieux système unanimement reconnu
comme défectueux. Les états fournis « ne permettaient pas
de déterminer exactement ne fût-ce que la quantité des
marchandises produites »... Oui, mais il se trouve que la
Liste, toute récente qu’elle soit, ne donne absolument aucun
renseignement sur ce point, alors que l’Index de M. Orlov,
par exemple, en contenait pour un très grand nombre de
fabriques, et même pour leur totalité dans certaines bran
ches de production, ou peu s’en faut, si bien que le tableau
récapitulatif citait des chiffres sur les quantités produites
(dans les tanneries, les distilleries, les briqueteries, les se
mouleries, les minoteries, dans la fabrication de la cire et du
saindoux, dans le teillage du lin et la brasserie). Or, les ma
tériaux de l’Index utilisaient précisément les anciens états.
La Liste ne renferme aucune indication sur l’outillage
alors que l’Index en fournissait pour plusieurs branches de
la production. L’« Introduction » décrit de la façon suivante
le changement intervenu dans notre statistique des fabri
ques et des usines : auparavant, les renseignements étaient
donnés par les fabricants « selon un formulaire sommaire
et peu clair », par l’intermédiaire de la police, et ne faisaient
l’objet d’aucune vérification. « On obtenait ainsi des ma
tériaux n’autorisant aucune conclusion plus ou moins vala
ble » (p. 1). A présent, on a dressé un nouveau formulaire,