Page 443 · vol. 4
peuple et à renverser le pouvoir despotique des fonctionnai
res. Il est absurde et inepte de prétendre que cette revendi
cation de la liberté politique soit inaccessible à la conscien
ce des ouvriers : non seulement les ouvriers, qui ont derriè
re eux des années de lutte ouverte contre les fabricants et la
police et qui voient constamment les meilleurs d’entre eux
frappés par les arrestations arbitraires et la répression,
non seulement ces ouvriers déjà gagnés au socialisme, mais
tous les paysans sensés ayant tant soit peu réfléchi à ce
qu’ils voient autour d’eux,'pourront comprendre pourquoi
luttent les ouvriers et s’assimiler l’idée d’un zemski sobor
qui libérerait le pays tout entier de l’omnipotence des fonc
tionnaires exécrés. Et l’agitation faite sur le terrain des
besoins immédiats et les plus pressants de la paysannerie
n’atteindra son but, qui est de porter la lutte de classe dans
les campagnes, que lorsqu’elle saura, à chaque révélation
de telle ou telle plaie « économique », rattacher des reven
dications politiques déterminées.
Mais la question est de savoir si le Parti ouvrier so
cial démocrate peut inscrire à son programme des revendi
cations pareilles à celles que nous venons d’indiquer,
s’il peut se charger de mener l’agitation au sein de la pay
sannerie, si cela n’aura pas pour résultat de nous disperser
et de détourner nos forces révolutionnaires, déjà si peu nom
breuses, de la direction principale, la seule direction sûre,
du mouvement ?
De telles objections sont fondées sur un malentendu.
Oui, nous devons absolument inscrire à notre programme
des revendications sur l’abolition de toutes les survivances
de l’esclavage dans nos campagnes, revendications sus
ceptibles de déterminer la meilleure partie des paysans,
sinon à engager eux-mêmes une lutte politique indépen
dante, du moins à soutenir consciemment la lutte libéra
trice de la classe ouvrière. Nous commettrions une faute
si nous nous mettions à défendre des mesures susceptibles
d’entraver l’évolution sociale ou de protéger artificiel
lement la petite paysannerie contre l’essor du capitalisme,
le développement de la grande production ; mais ce serait
une faute encore plus désastreuse que de ne pas savoir
profiter du mouvement ouvrier pour diffuser parmi les
paysans les revendications démocratiques laissées insatis-