Page 434 · vol. 4
une punition très rigoureuse, proche de la privation de droits.
Le gouvernement pense, dans cette école, inculquer la dis
cipline aux « rebelles ». Ne va-t-il pas se tromper dans
ses calculs ? L’école du service militaire en Russie, ne sera
t-elle pas l’école militaire de la révolution ? Naturellement,
le cycle complet de ces cours n’est pas à la mesure de tous
les étudiants. Les uns succomberont sous le poids de l’é
preuve ou périront à la suite de quelque conflit avec les
autorités militaires ; d’autres, les laibles et les débiles,
seront terrorisés par la caserne ; mais celle-ci aguerrira
les autres, élargira leur horizon, les obligera à approlondir
par la pensée et par le sentiment leurs aspirations à la li
berté. Ils éprouveront alors par leur propre expérience tout
le poids de l’arbitraire et de l’oppression, quand toute
leur dignité humaine dépendra du caprice d’un adjudant
souvent capable de redoubler sciemment de vexations
à l’égard d’un homme « qui a de l’instruction ». Ils verront
ce qu’est la situation réelle des simples gens, ils soulfri
ront de tous les outrages et de toutes les violences dont
ils seront nécessairement les témoins quotidiens, et ils com
prendront que les injustices et les vexations que subissent
les étudiants ne sont qu’une goutte d’eau dans l’océan
de l’oppression qui pèse sur le peuple. Celui qui aura com
pris cela quittera le service militaire on prononçant le ser
ment d’Annibal140 par lequel il s’engagera à lutter avec
la classe avancée du peuple pour libérer ce peuple du joug
du despotisme.
Mais le caractère humiliant de cette peine nouvelle
n’est pas moins révoltant que sa cruauté. Le gouverne
ment lance un défi à tous ceux qui ont encore conservé le
sentiment de l’honneur, en laisant passer des étudiants
protestant contre l’arbitraire pour de simples fauteurs de
désordres, de même qu’il a présenté les ouvriers grévistes
déportés comme des gens de mauvaise conduite. Jetez un
coup d’œil sur le communiqué du gouvernement ; il est
émaillé de mots tels que : désordre, turbulences, excès,
effronterie, licence. D’une part, on parle de buts politiques
criminels et de projets de protestations politiques ; d’autre
part, on traite les étudiants en simples fauteurs de désor
dres qui ont besoin qu’on leur apprenne la discipline.
C’est un soufflet à l’opinion publique russe, dont les sym-