☭ Lénine : Œuvres complètes informatisées

| Éditions Communistus

Page 332 · vol. 4

Les prisons sont bondées, les lieux de déportation
surpeuplés, chaque mois on presque on apprend que la po
lice a réussi des « coups de filet » contre les socialistes sur
tous les points de la Russie, qu’elle a saisi des envois clan
destins, arrêté des agitateurs, confisqué des publications
et mis sous scellés des imprimeries ; mais le mouvement,
loin de cesser, continue de se développer, lait tache d’hui
le, pénètre toujours plus profond dans la classe ouvrière,
attire toujours davantage l’attention publique. Et toute
l’évolution économique de la Russie, toute l’histoire de
la pensée sociale russe et du mouvement révolutionnaire
russe sont garants que le mouvement ouvrier social-démo
crate grandira en dépit de tous les obstacles et saura les
surmonter.

Le trait essentiel de notre mouvement, qui saute aux
yeux ces derniers temps, c’est sa dispersion, son caractère
pour ainsi dire artisanal : les cercles locaux se forment et
agissent à peu près indépendamment de ceux situés dans
d’autres localités, et même (ce qui est très grave) indépen
damment de ceux qui fonctionnaient ou qui fonctionnent
simultanément dans les mêmes localités ; il ne s’établit
pas de tradition ni de continuité, et les publications loca
les reflètent intégralement cette dispersion, cette absence
de liaison avec ce qui a déjà été créé par la social-démocratie
russe. Si la période actuelle nous semble critique, c’est
précisément parce que le mouvement dépasse ce caractère
artisanal et cette dispersion et réclame impérieusement le
passage à une forme supérieure, plus unifiée, mieux et plus
organisée, à l’élaboration de laquelle nous nous estimons
tenus de travailler. Il va de soi qu’à une certaine étape du
mouvement, à ses débuts, cette dispersion est tout à fait
inévitable, et que l’absence de continuité se crée tout na
turellement lorsqu’un mouvement se développe avec une
rapidité et une universalité aussi étonnantes après une lon
gue période de sommeil de la révolution. Il est certain
aussi que la diversité des conditions locales, les différences
de situation de la classe ouvrière dans telles ou telles
gions, enfin les points de vue particuliers des militants
de chaque localité subsisteront toujours, et que cette diver
sité témoigne justement de la vitalité du mouvement et
du caractère normal de sa croissance. Tout cela est vrai,