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et doit lutter pour la cause ouvrière par ses propres forces,
par sa seule « initiative privée », sans s’efforcer de la faire
fusionner avec le socialisme, sans essayer de faire de la cause
ouvrière la cause d’avant-garde, la cause essentielle de l’hu
manité tout entière. Les ouvriers les moins développés
peuvent, répétons-le, se laisser corrompre par une telle
conviction, mais nous sommes certains que les ouvriers
russes d’avant-garde, ceux qui dirigent les cercles ouvriers
et toute l’activité social-démocrate, ceux qui remplissent
aujourd’hui nos prisons et les lieux de déportation, depuis
la province d’Arkhangelsk jusqu’à la Sibérie orientale,
rejetteront cette théorie avec indignation. Réduire tout
le mouvement aux préoccupations du moment, c’est spé
culer sur l’état arriéré des ouvriers, c’est faire le jeu de
leurs pires passions. C’est rompre artificiellement la liai
son entre le mouvement ouvrier et le socialisme, entre
les aspirations politiques parfaitement définies des ouvriers
d’avant-garde et les manifestations spontanées de la protes
tation des masses. Voilà pourquoi la tentative faite par la
Rabotchaia Mysl pour proposer une nouvelle orientation
mérite une attention particulière et appelle une protesta
tion des plus énergiques. Tant que la Rabotchaia Mysl,
s’adaptant visiblement aux couches inférieures du prolé
tariat, éludait soigneusement la question du but final du
socialisme et de la lutte politique, mais se gardait de procla
mer son orientation particulière, beaucoup do social-démo
crates se contentaient de secouer la tête, espérant que les
membres du groupe « Rabotchaia Mysl » se débarrasseraient
aisément eux-mêmes de leurs œillères, au fur et à mesure que
leur action se développerait et prendrait do l’extension.
Mais lorsque des gens qui accomplissaient jusqu’à présent
un travail utile de classe préparatoire se mettent à étour
dir toute l’Europe de leur tapage en se raccrochant aux
théories opportunistes à la mode, et à déclarer qu’ils enten
dent enfermer toute la social-démocratie russe pour de lon
gues années (sinon pour toujours) dans la classe préparatoi
re. — lorsque, en d’autres termes, des gens qui œuvraient
utilement jusque-là autour d’un tonneau de miel, se met
tent « publiquement et afin que nul n’en ignore » à y verser
des cruches de goudron, alors nous devons nous élever vi
goureusement contre cette orientation rétrograde !